La loi 194 de 2020 interdit quasiment toutes les activités liées aux cryptomonnaies en Égypte sans autorisation de la Banque centrale d'Égypte. Même la simple détention de crypto n'est pas explicitement interdite, mais les activités associées le sont.
Important : La loi 194 est extrêmement stricte. Même les contenus éducatifs sur les blockchains sans autorisation de la CBE peuvent entraîner des poursuites pénales.
En septembre 2020, l’Égypte a adopté une loi qui a changé radicalement le paysage financier du pays. La loi 194 de 2020, aussi appelée la nouvelle loi sur la Banque centrale et le secteur bancaire, a introduit une interdiction quasi totale des crypto-monnaies. Ce n’était pas une simple mise en garde. C’était une interdiction légale, avec des sanctions pénales possibles. Depuis cette date, émettre, échanger ou promouvoir des crypto-monnaies sans autorisation de la Banque centrale d’Égypte (CBE) est un crime.
Article 204 de la loi 194 est clair : toute activité liée aux crypto-monnaies est interdite sauf si la Banque centrale donne son feu vert. Cela couvre :
Il n’y a pas de limite floue ici. Même si vous êtes un développeur de blockchain ou un enseignant qui explique comment fonctionne Ethereum, vous risquez d’être poursuivi si vous le faites sans l’accord de la CBE. Et cet accord, personne ne l’a obtenu. À ce jour, aucune entreprise n’a reçu de licence pour opérer légalement dans ce domaine.
La Banque centrale d’Égypte n’est pas un simple régulateur. Elle est devenue le seul pouvoir décisionnel en matière de crypto. Selon la loi, elle a une indépendance technique, financière et administrative, et elle rend directement compte au président de la République. Ce n’est pas un organisme qui écoute le marché. C’est un gardien de l’ordre monétaire. Elle a publié quatre avertissements entre 2020 et 2023, tous identiques : les crypto-monnaies sont dangereuses, volatiles, et n’ont aucune protection légale. Mais elle n’a jamais fourni de données concrètes pour étayer ces affirmations.
En 2022, elle a envoyé une circulaire aux banques : interdiction totale de traiter des paiements vers des plateformes de crypto. Résultat ? Une chute de 92 % des transactions peer-to-peer en moins d’un an, selon Chainalysis. Les Égyptiens n’ont plus accès aux services bancaires pour acheter du Bitcoin. Leur argent est bloqué dans le système traditionnel.
Les conséquences ne sont pas théoriques. Des milliers d’Égyptiens ont perdu leurs actifs. Le groupe Facebook « Egypt Crypto Victims » recense plus de 427 cas d’investisseurs dont les comptes sur Binance ou Coinbase ont été gelés, pour un total estimé à 8,7 millions de dollars. Beaucoup n’ont jamais pu récupérer leurs fonds. D’autres ont été contraints de quitter le pays. Une enquête de l’Association égyptienne des startups fintech montre que 78 % des entrepreneurs blockchain ont déplacé leurs opérations à Dubaï ou Singapour. Cela représente une perte d’investissement estimée à 150 millions de dollars.
Les banques locales, elles, doivent maintenant investir dans des systèmes de surveillance pour détecter toute activité crypto. La CBE a alloué 120 millions d’EGP (environ 3,8 millions de dollars) en 2022 pour des outils d’analyse blockchain - mais elle admet elle-même dans son rapport annuel qu’elle peine à suivre les applications décentralisées. La technologie évolue plus vite que les lois.
En 2022, le ministère des Communications a lancé une stratégie nationale de blockchain. Le gouvernement voulait utiliser la technologie pour moderniser les registres fonciers, les services publics et la logistique. Mais en même temps, il interdisait toute utilisation de crypto-monnaies. C’est une contradiction flagrante. Comme l’a souligné la professeure Hanaa El Shenawy dans son article de 2023, l’Égypte souffre d’une « schizophrénie numérique » : elle veut la technologie, mais pas son écosystème financier.
Le résultat ? Un marché parallèle florissant. Malgré l’interdiction, environ 3,2 millions d’Égyptiens - soit 3,2 % de la population - continuent d’utiliser des VPN pour accéder à des plateformes étrangères. Chainalysis estime que les transactions annuelles dans ce secteur souterrain atteignent 1,1 milliard de dollars. Les gens trouvent des moyens. Ils échangent des crypto via des messageries, des groupes WhatsApp, ou des points de vente physiques dans les marchés. Mais ils le font sans aucune protection légale. Un vol, une arnaque, une fermeture de compte : ils n’ont aucun recours.
Dans la région, l’Égypte est un cas extrême. La plupart des pays du Moyen-Orient ont choisi la régulation : les Émirats arabes unis ont créé le VARA, l’Arabie saoudite a ouvert un cadre légal, le Bahreïn a mis en place des sandbox. Même l’Irak et l’Algérie interdisent les crypto, mais ils n’ont pas l’infrastructure pour les faire appliquer. L’Égypte, elle, a mis en place un système de surveillance puissant - et il fonctionne.
Le World Bank classe l’Égypte parmi les pays les plus restrictifs au monde, avec la Chine et l’Inde. Mais contrairement à ces deux pays, l’Égypte n’a pas de stratégie de monnaie numérique de banque centrale (CBDC) en préparation. Elle ne propose pas d’alternative. Elle bloque simplement. Cela la rend plus isolée que répressive.
En 2023, le FMI a mis l’Égypte en garde : ses barrières réglementaires entravent l’innovation financière. Le pays négocie un prêt de 8 milliards de dollars, et le FMI demande des réformes. Certains parlementaires ont commencé à discuter d’une possible révision de la loi 194, notamment pour permettre aux institutions financières d’offrir des services crypto encadrés. Mais jusqu’à présent, aucune proposition formelle n’a été déposée.
Les analystes sont divisés. Le Fitch Ratings pense qu’une évolution vers un « sandbox contrôlé » est inévitable d’ici 2026. Le World Bank, lui, estime que l’interdiction restera en vigueur jusqu’en 2025, surtout avec la dévaluation de la livre égyptienne et la peur d’une fuite de capitaux.
En attendant, les Égyptiens continuent d’acheter du Bitcoin en cachette. Les banques surveillent. La Banque centrale ne cède pas. Et la loi 194 de 2020, elle, reste en vigueur - une loi qui a été écrite pour protéger le système, mais qui finit par enfermer les citoyens dans un système obsolète.
Si vous avez des actifs numériques bloqués sur une plateforme étrangère, il n’y a pas de solution légale. Les tribunaux égyptiens ne reconnaissent pas les crypto comme des biens protégés. Votre seul recours est de transférer vos fonds vers un portefeuille hors ligne (cold wallet) et d’attendre un changement de politique - ce qui pourrait prendre des années. Ne tentez pas de les convertir en espèces via des intermédiaires. Vous risquez d’être accusé de blanchiment d’argent.
Ne comptez pas sur les crypto. Concentrez-vous sur la technologie blockchain pour la gestion des documents, les contrats intelligents pour les services publics, ou la traçabilité des chaînes d’approvisionnement. Mais faites-le sans mentionner les crypto-monnaies. La loi interdit les actifs, pas la technologie. Et tant que vous restez dans ce cadre, vous êtes en sécurité.
Oui. Les NFT sont considérés comme des crypto-actifs sous la loi 194. Toute création, vente ou promotion de NFT sans autorisation de la Banque centrale d’Égypte est illégale. Cela inclut même les NFT liés à l’art, à la musique ou aux jeux vidéo.
Techniquement, la loi ne criminalise pas la simple détention. Mais si vous utilisez une banque égyptienne pour acheter des crypto, ou si vous transférez des fonds vers une plateforme étrangère, vous enfreignez la loi. La détention est un risque : si la Banque centrale décide de poursuivre les détenteurs, vous n’aurez aucune protection légale. De plus, les transactions avec des plateformes interdites peuvent être suivies par les banques.
À ce jour, aucune annonce officielle n’a été faite sur un projet de monnaie numérique de banque centrale. Contrairement à d’autres pays comme la Chine ou le Nigéria, l’Égypte n’a pas lancé d’étude publique sur une e-pound. Son approche reste réactive : bloquer, surveiller, punir - sans proposer d’alternative.
La loi 205 permet à la Banque centrale de transmettre les affaires aux tribunaux. Les peines ne sont pas précisées dans les textes publics, mais elles peuvent inclure des amendes et des peines d’emprisonnement. Des cas de poursuites ont été signalés, notamment contre des personnes ayant organisé des événements crypto ou des ateliers de formation. Le manque de transparence rend les risques imprévisibles.
L’Égypte craint la fuite de capitaux et la perte de contrôle sur sa monnaie. Avec une inflation élevée et une livre en dépréciation, le gouvernement redoute que les citoyens ne convertissent leurs économies en Bitcoin pour se protéger. La Banque centrale considère que les crypto-monnaies menacent sa capacité à gérer la politique monétaire. Ce n’est pas une question de technologie - c’est une question de pouvoir.
Paris Stahre
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